Ces oiseaux qui voyagent sur des bateaux
De ornithomedia.com
Ce mode de transport pourrait expliquer l'observation de certains oiseaux inhabituels et même l'expansion de plusieurs espèces.
Cette Paruline à flancs marron (Setophaga pensylvanica) s'est posée sur ce bateau en septembre 2012 lors d'une sortie ornithologique au large du port de Bodega (Californie) !
Photographie : David Bell / Sa page Facebook
L'observation de certaines espèces d'oiseaux, parfois totalement ou partiellement sédentaires, originaires d'un autre continent parfois séparé par une grande étendue marine a de quoi intriguer les observateurs : comment ont-ils bien pu faire cette traversée périlleuse par leur propres moyens, même si elles ont été aidées par des conditions atmosphériques particulières ? Par exemple, comment expliquer l'arrivée en 2011 d'une Hirondelle rustique dans les îles Shetland du Sud, non loin de l'Antarctique ou bien celles de plusieurs Hérons cendrés en Amérique du Nord ? Dans certains cas, ces oiseaux ont pu embarquer "clandestinement" sur des bateaux. Nous vous proposons un petit aperçu de ce mode de voyage original qui a certainement contribué à l'expansion spectaculaire de plusieurs oiseaux comme le Corbeau familier ou le Héron garde-boeufs.
Trois grands scenarii
Les cas d'oiseaux ayant traversé des océans ou des mers à bord de bateaux sont finalement assez nombreux, même s'il est assez difficile de quantifier l'importance réelle de ce phénomène qui a probablement accompagné l'augmentation spectaculaire du commerce international depuis depuis 150 ans.
Trois grands scenarii peuvent être envisagés :
■les oiseeaux qui, épuisés par des conditions difficiles et/ou le manque de nourriture, se posent en pleine mer sur un bateau pour se reposer et parfois y rester jusqu'au débarquement
■ceux qui embarquent dans les ports
■ceux qui s'échappent de leur cage lors de leur transport dans des navires.
Les oiseaux qui se posent sur des bateaux pour se reposer
Ce scénario concerne certainement plusieurs passereaux nord-américains observés dans des archipels de l'Atlantique (Açores, Madère, Canaries, ...) ou même en Europe.
Le British Ornithologist's Union's Records Committee (BOURC) considère ainsi que c'est certainement le cas des données britanniques de Moqueur polyglotte (Mimus polyglottos), de Moqueur roux (Toxostoma rufum), de Tohi à flancs roux (Pipilo erythrophthalmus) et de Bruant à joues marron (Chondestes grammacus), des passereaux a priori incapables ou peu enclins à traverser naturellement l'Atlantique.
On estime aussi que les deux ou trois données ouest-européennes de Pics flamboyants (Colaptes auratus) concernent des oiseaux ayant voyagé à bord de navires.
Le 18 avril 1998, un petit oiseau, peut-être un Pipit d'Amérique (Anthus rubescens) ou une Paruline des ruisseaux (Parkesia noveboracensis) d'après une photo de mauvaise qualité disponible, a été trouvé sur un navire de croisière entre Miami et Southampton (Grande-Bretagne). Il est probablement parti le 23 lors d'une étape à Ponta Delgada, dans l'île de São Miguel dans l'archipel des Açores.
Sur ces îles, renommées en automne pour leur richesse en oiseaux accidentels néarctiques, près d'une douzaine de cas d'oiseaux ayant pu faire totalement ou partiellement la traversée de l'Atlantique sur des bateaux sont connus : c'est le cas par exemple d'un Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus), d'une probable Grive à dos olive (Catharus ustulatus) et d'une Paruline à gorge noire (Dendroica virens) trouvés en 2007, d'une Paruline flamboyante (Setophaga ruticilla) en 1967, et d'une Paruline des ruisseaux (Seiurus noveboracensis) en 1966. Ils ont pu avoir été détournés de leur voie migratoire normale par des vents cycloniques ou lors de fortes tempêtes et entraînés au large et se sont alors posés sur des navires pour se réfugier ou se reposer.
En février 2008, un Chipiu sanglé (Poospiza torquata), un passereau présent dans le sud du continent américain (Argentine, Bolive, Uruguay) a été trouvé sur un bateau de croisière rejoignant les Malouines. Il s'est posé sur le bateau, a été placé dans une cage puis relâché dans le port argentin d'Ushuaia.
En 2011, une Hirondelle rustique (Hirundo rustica) a été observée dans les îles Shetland du Sud, non loin de l'Antarctique : c'était seulement la seconde fois qu'un passereau était vu dans cet archipel, et il s'agit de l'une des trois données les plus australes du monde pour un représentant de cette famille.
Les oiseaux peu migrateurs ou découverts en dehors de leur période de migration habituelle sont souvent considérés comme des échappés ou comme ayant fait la traversée sur un bateau : c'est le cas par exemple d'un Geai bleu (Cyanocitta cristata) observé près du Lagoa das Furnas, dans l'île de São Miguel (Açores) le 9 juillet 1998.
Les exemples des aigrettes et des hérons
Des Ardeidés (hérons et aigrettes) sont régulièrement observés sur des navires en haute mer. Les espèces les plus régulièrement citées sont le Héron cendré (Ardea cinerea) et le Héron garde-boeufs (Bubulcus ibis). Il existe plusieurs données en plein Océan Atlantique ! L'explosion de la présence du Héron garde-boeufs sur le continent américain pourrait s'expliquer, au moins en partie, par ce mode de transport.
En 2002, trois Hérons cendrés ont survécu sur un bateau au cours d'une traversée de près de 2 000 kilomètres entre les Açores et Terre-Neuve (Canada). Des Aigrettes garzettes (Egretta garzetta) ont été observées sur des bateaux en Méditerranée et au large de l'Afrique de l'Ouest.
Une Aigrette des récifs (Egretta gularis gularis), originaire d'Afrique tropicale, trouvée sur l'île de Trinidad (Trinidad-et-Tobago) en janvier 1986 pourrait avoir fait le parcours en bateau.
Corbeau pie (Corvus albus) posé sur un bateau en haute mer près des îles Canaries et du Sahara Occidental en novembre 2002.
Photographie : J. M/ Martinez / Alauda
Les corvidés .
Le Corbeau familier (Corvus splendens) a colonisé de nombreuses parties du monde, en grande partie en voyageant sur des navires sans assistance humaine. A partir du sous-continent indien, ils ont atteint plusieurs ports le long des côtes de l'Océan Indien et de la Mer Rouge (par exemple Eilat en Israël et Aqaba en Jordanie), mais aussi plusieurs îles, comme Maurice dès 1900. Après son éviction de cette dernère en 1945 suite à un cyclone, ils l'ont recolonisé en 1950. Les premiers Corbeaux familiers ont été vus aux Seychelles en 1970, et l'espèce a atteint la Réunion in 2004. Il s'est même installé en Australie !
Il semble qu'il existe chez cette espèce une vraie "volonté" d'utiliser les bateaux : ainsi, un matin de juin 2005, au Sri Lanka, un observateur a vu des dizaines d'oiseaux quittant le port de Negumbo pour rejoindre des catamarans de pêcheurs. Des Corbeaux à gros bec (Corvus macrorhynchos), moins nombreux, ont aussi été observés en mer.
Le Corbeau pie (Corvus albus) est une espèce subsaharienne présente dans une grande partie de l’Afrique : le 26 novembre 2002, un individu a été vu et photographié en haute mer posé sur un bateau de pêche à la palangre à 122 milles nautiques du Cap Barbas (Sahara occidental) et à 125 milles au sud de Gran Canaria (îles Canaries) à 11 heures du matin. Ce comportement pourrait expliquer l'observation en janvier 2003 d'un oiseau près de Retamar dans la province d'Almería (Espagne).
Des oiseaux échappés de cages à bord de navires
Des oiseaux, transportés le plus souvent de façon illicite dans des cages à bord de navires, peuvent s'échapper ou bien être relâchés par les trafiquants à l'approche des côtes ou des bateaux des garde-côtes : c'est le cas de certains passereaux, de perroquets, ...
Certains pense que les Harfangs des neiges (Bubo scandiacus) observés durant l'hiver 2000 dans quelques ports d'Europe de l'Ouest (Belgique, Grande-Bretagne, Pays-Bas) auraient été transportés illégalement sur des cargos et relâchés par les trafiquants (désireux de profiter du phénomène de la "chouette d'Harry Potter") à l'approche des côtes par peur des contrôles. Mais pour d'autres, il s'agissait d'oiseaux canadiens sauvages pris dans une tempête en mer (on sait que cette espèce hiverne aussi sur la banquise) et qui se seraient posés sur des cargos traversant l'Atlantique.
Quel statut ?
Quand un observateur trouve un oiseau qui a visiblement voyagé à bord d'un navire, peut-il le "cocher" ? Pour le British Ornithologist's Union, une telle donnée est acceptée depuis 2005 si la survie de l'oiseau n'a pas été permise par une aide humaine directe (par exemple : la fourniture de nourriture ou d'eau).
Ouvrages recommandés
■Le guide Ornitho de Killian Mullarney
■Rare Birds in Britain and Ireland de J. N. Dymond et al
Sources
■Alan Henry (2008). Ship Assisted Vagrant *mega*. Birding in the Falkland Islands.
http://www.surfbirds.com/community/blogs/falklandbirder/2008/02/22/ship-assisted-vagrant-mega/
■Staffan Rodebrand (2011). A Buff-bellied Pipit Anthus rubescens arriving by boat?. Birding Azores.
http://www.birdingazores.com/?page=shipassisted
■William L. Murphy et Winston Nanan. First confirmed record of Western Reef-Heron (Egretta gularis) for South America.
http://trinidadbirding.com/publications/Western_reef_heron.pdf
■Juan M. Martinez, Ruben Barone (2006). Observation d'un Corbeau pie Corvus albus en haute mer près des îles Canaries et du Sahara occidental. Alauda 74 (2).
www.africanbirdclub.org/countries/CanaryIslands/documents/Observation.pdf
■Korczak-Abshire Malgorzata, Lees Alexander, Jojczyk Agata (20101). First documented record of barn swallow (Hirundo rustica) in the Antarctic. Polish Polar Research. Volume 32 (4), pages 355–360.
http://www.degruyter.com/view/j/popore.2011.32.issue-4/v10183-011-0021-9/v10183-011-0021-9.xml
Source :
http://www.ornithomedia.com/pratique/debuter/ces-oiseaux-qui-voyagent-bateaux-00384.htmlPartagez sur les réseaux sociaux
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