Quand faut-il arrêter de nourrir les oiseaux : en mars ou en avril ?
De ornithomedia.com
Vaut-il mieux arrêter le nourrissage des oiseaux dès la fin du mois de février, à la fin du mois de mars ou plus tard ?
Chardonneret élégant (Carduelis carduelis) à une mangeoire.
Photographie : Jans Canon / Wikipedia
Nous avons déjà publié sur Ornithomedia.com plusieurs articles à propos du nourrissage des oiseaux en hiver, mais nous n'avons pas encore abordé une question qui taraude pourtant plusieurs de nos visiteurs : quand faut-il arrêter de les nourrir, en mars ou en avril ?
Certains auteurs pensent qu'il faut poursuivre le nourrissage durant la période de reproduction, quand les parents doivent à la fois se nourrir et nourrir leurs petits, tandis que d'autres estiment qu'il faut arrêter le plus tôt possible.
Dans cet article, nous vous présentons les arguments en faveur d'un arrêt de l’apport de nourriture en mars et ceux incitant pour une poursuite en avril, voire plus tard durant la saison de nidification.
Mars, un mois critique
En mars, des oiseaux inhabituels comme le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus) peuvent visiter les mangeoires.
Photographie : Andreas Trepte / Wikipedia
Certes, le printemps débute officiellement le 21 mars, mais durant ce mois, le temps est très variable, avec des périodes de redoux alternant avec des périodes froides et neigeuses (comme celle du mois de mars 2013 en Europe de l'Ouest).
Le nombre de visiteurs hivernaux aux mangeoires augmente avant leur départ vers le nord et les premiers oiseaux qui ont hiverné plus au sud sont arrivés.
Il vaut donc mieux durant ce mois continuer à nourrir les oiseaux, car les quantités de nourriture disponibles dans la nature sont encore faibles, alors que le nombre "d'affamés" est très élevé.
La mortalité des migrateurs, déjà épuisés par leur long trajet de remontée vers le nord, peut être élevée en cas de période de froid tardive. Les mangeoires sont alors fréquentées par des grandes troupes de pinsons et de verdiers, et des oiseaux inhabituels peuvent être vus comme le Moineau friquet (Passer montanus), le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), le Bruant jaune (Emberiza citrinella), la Bergeronnette grise (Motacilla alba), le Tarin des aulnes (Carduelis spinus) et le Roitelet huppé (Regulus regulus), ces deux derniers étant chassés de leurs forêts de conifères vides où règne la disette... On peut aussi (rarement) voir des Bécasses des bois (Scolopax rusticola) dans les parcs et les jardins.
En outre, certaines espèces sédentaires comme le Merle noir (Turdus merula) et la Grive musicienne (Turdus philomelos) ont déjà commencé à nicher, en particulier si le temps est clément. Leurs oeufs sont généralement pondus à la fin du mois.
De possibles effets négatifs du nourrissage printanier
Nourrir les Mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) durant la période de nidification aurait des effets négatifs.
Photographie : Lewis Collard / Lewiscollard.com
On a constaté que le nourrissage des oiseaux durant la période de nidification, qui commence en mars-avril pour de nombreux oiseaux de nos régions, avait des effets négatifs. On a par exemple observé que les mâles qui avaient accès à une source de nourriture supplémentaire démarraient leur chant nuptial plus tard le matin que les autres, ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur leur chance de se reproduire. Les chercheurs pensent généralement qu'il faudrait arrêter de nourrir les oiseaux à la fin du mois de mars.
Des chercheurs de l'université de Birmingham ont constaté que les Mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) et charbonnières (Parus major) à qui l'on avait apporté de la nourriture (matières grasses, cacahuètes) dans leur bois entre le début de mois de mars (c'est-à-dire quatre à cinq semaines avant leur période de ponte) au mois de juillet pondaient plus tôt et couvaient moins longtemps que les autres. La taille des nichées était aussi réduite (un "demi-poussin" en moins en moyenne par nid). Le fait que ces deux espèces réagissent de la même manière à cet apport tardif et artificiel de nourriture semble indiquer que ces résultats sont également valables pour d'autres passereaux.
On ne comprend pas encore très bien les raisons de ces effets négatifs inattendus : peut-être s'agit-il d'un effet du changement de régime alimentaire des oiseaux à une étape cruciale de la période de reproduction ? Les mâles ont peut-être également passé trop de temps autour des mangeoires au détriment de leur comportement nuptial.
D'autre part, de nombreux aliments (notamment les arachides et les matières grasses) disposés en hiver sur les mangeoires peuvent être fatales aux petits si les parents les nourrissent avec. Ainsi, à moins de mettre à disposition des oiseaux des vers et des asticots à cette période, il vaut mieux stopper l'apport de nourriture durant la période de reproduction.
Arrêter de nourrir les oiseaux en avril ou plus tard
Le mois d'avril est critique pour le Verdier d'Europe (Chloris chloris).
Photographie : Tony Hisgett / Wikipedia
Les bouleversements des paysages agricoles (intensification des cultures, arrachage des haies, urbanisation, ...) ont souvent entraîné une réduction des ressources alimentaires, y compris au printemps. Les passereaux granivores comme les pinsons, bruants ou les moineaux sont particulièrement vulnérables.
En avril, le temps est encore variable (d'où le dicton "en avril, ne te découvre pas d'un fil"). Un temps froid et humide peut survenir à tout moment, surtout dans le nord de l'Europe, et bloquer des migrateurs le long de leur voie migratoire.
Avril est le mois de l'année où la mortalité de certaines espèces, comme le Verdier d'Europe (Chloris chloris), est la plus élevée : les ressources alimentaires disponibles dans la nature, surtout dans les campagnes très artificialisées, sont en effet encore limitées (surtout au cours de la première moitié du mois), et les oiseaux sédentaires sont concurrencés par des oiseaux remontant vers leurs zones de reproduction plus nordiques.
Pour la plupart des espèces sédentaires comme les pinsons, les grives ou les mésanges, la saison de reproduction bat son plein, et les parents nourrissent leurs nichées : les besoins en aliments sont donc importants.
Certains auteurs pensent qu'il ne faut pas arrêter de nourrir les oiseaux pendant la saison de reproduction, qui s'étale généralement entre mars et juin : pour eux, l'arrêt de l'apport de nourriture pourrait provoquer un "choc alimentaire", et ils préconisent plutôt de stopper le nourrissage une fois que les jeunes sont autonomes.
En cas de période de froid brutale et inattendue au cours de la période durant laquelle les parents nourrissent leurs petits en leur apportant des vers ou des chenilles (c'est le cas des merles, des grives, des mésanges, des pinsons ...), l'apport de nourriture peut contribuer à la survie des jeunes.
Que se passe-t-il quand on arrête de nourrir les oiseaux ?
Supposons que vous aviez décidé d'arrêter de nourrir les oiseaux au début du mois de mars, mais qu'une soudaine vague de froid sévisse dans votre région : pouvez-vous réalimenter les mangeoires et les oiseaux reviendront-ils les fréquenter ?
Dans un premier temps, ils continueront à venir visiter vos mangeoires. Après trois ou quatre jours, on assistera toutefois à une diminution du nombre des oiseaux qui reviennent. Cette baisse va se poursuivre durant la première semaine. Durant les deux semaines suivantes, seuls quelques individus isolés appartenant à certaines espèces continueront leurs visites : ils semblent jouer le rôle d"éclaireurs" vérifiant régulièrement le niveau d'approvisionnement des mangeoires. En Europe, il s'agit le plus souvent de mésanges, qui jouent un rôle moteur en hiver dans la recherche de nourriture (lire Les rondes d'oiseaux).
Après trois semaines, la plupart ou la totalité de vos oiseaux auront trouvé un ou plusieurs autres endroits pour trouver de la nourriture. Toutefois, une fois que vous aurez recommencé à mettre de la nourriture, ils reviendront, avec toutefois une diversité et des effectifs moindres qu'avant votre arrêt.
Si cela ne fait qu'une semaine que vous avez cessé de mettre de la nourriture, certains oiseaux arriveront seulement quelques minutes après le retour des graines sur les mangeoires. Si la période de carence a duré plus longtemps, la venue des visiteurs peut prendre un ou deux jours, mais ils reviendront. Après plus de deux semaines d'absence d'aliments, plusieurs jours peuvent être nécessaires, mais la "rumeur" de la réouverture de votre "restaurant" circulera et ils seront de retour. Généralement, sauf en cas de vague de froid brutale, les effectifs seront tout de même moindres qu'initialement.
Ainsi, si vous décidez d'arrêter de nourrir les oiseaux à la fin de l'hiver, il est quand même utile d'avoir sous la main une réserve de nourriture, notamment en prévision d'une vague de froid brutale et tardive, comme celle que nous connaissons dans le nord-ouest de l'Europe en ce mois de mars 2013.
En conclusion
Si l'on prend à la fois en compte les résultats d'études indiquant qu'il vaut mieux arrêter le nourrissage des oiseaux durant la période de nidification et le fait que le mois de mars peut connaître des conditions météorologiques changeantes et que les oiseaux sont alors encore nombreux aux mangeoires (les oiseaux hivernants et sédentaires étant rejoints par des migrateurs remontant vers le nord), il semble raisonnable (en tout cas dans le nord de la France et en Belgique) de continuer le nourrissage jusqu'à la fin du mois de mars, puis de le réduire progressivement au cours de la première semaine d'avril. Plus au sud, la fin de la période de nourrissage peut a priori être plus précoce.
Et n'oubliez pas qu'il faut leur mettre de l'eau à disposition toute l'année.
Source : http://www.ornithomedia.com/pratique/conseils/quand-faut-arreter-nourrir-oiseaux-mars-avril-00670.htmlPartagez sur les réseaux sociaux
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